Entretien #8 : Catherine Magnant
Tout comprendre sur CulturEU, la nouvelle plateforme de la Commission européenne d'aide à la recherche de financements européens.
Catherine Magnant est cheffe de l’unité Politique culturelle à la Commission européenne, au sein de la direction générale de l’éducation et de la culture. Composé d’une équipe multiculturelle, le but de cette unité est de promouvoir la diversité culturelle européenne, la vitalité de la création en Europe, sa contribution à l’innovation, à la cohésion sociale, à l’attractivité des territoires. C’est l’équipe de cette unité qui a développé CulturEU. Accessible depuis peu en français, ce site aide à la recherche de financements européens. Pour nous aider à mieux comprendre les objectifs, le fonctionnement et la façon dont la plateforme a été façonnée, Catherine Magnant répond aux questions de Lacets.
Lacets : Qu’est-ce que « CulturEU »?
Catherine Magnant : CulturEU est un nouvel outil en ligne. Il est moderne, efficace, et sert à trouver du financement européen pour la culture. Son but est de permettre aux acteurs culturels, aux municipalités, régions, etc., de trouver leur chemin parmi les nombreuses possibilités de financement disponibles pour la culture dans les programmes de l’UE, pour la période 2021-2027. Il y en a en effet beaucoup plus qu’on ne croit ! Pour la première fois, cet outil permet de donner accès en 3 clics à 21 programmes qui ont des possibilités de financement pour la culture. CulturEU se décline en deux produits : un outil web interactif en ligne d’une part, et une brochure imprimable, plus classique d’autre part. C’est le résultat de plusieurs mois de travail intense !
L’objectif principal de CulturEU est d’accroître l’accès aux financements européens disponibles pour la culture, en essayant de communiquer clairement et sans laisser personne de côté. Nous le voyons comme un outil essentiel pour soutenir les secteurs culturels et créatifs qui ont été si durement touchés par la crise du COVID-19 et les différents confinements. C’est aussi particulièrement important pour les petites organisations culturelles locales et les individus qui ont des ressources limitées pour analyser des informations complexes.
Comment cette plateforme a été conçue ? Des porteurs de projets ont-ils été consultés pour connaître leurs besoins et leurs attentes vis-à-vis d’un tel outil ?
Les acteurs culturels et créatifs, ainsi que les représentants des États membres, soulignent souvent que le financement de l’UE est complexe et difficile à comprendre. On a entendu cela de nombreuses fois et dans de nombreuses enceintes. La Commission a pris ces remarques très au sérieux et a décidé d’apporter une solution à cette question. Dans cet esprit, la convivialité était une de nos préoccupations principales. Nous voulions que l’outil soit facile à utiliser et qu’il soit utile à toutes les organisations, quelle que soit leur taille, y compris celles qui ont peu de moyens pour rechercher des possibilités de financement— c’est un problème particulier pour les free-lances ou les très petites organisations locales, par exemple.
Pour élaborer le guide de financement CulturEU, nous avons mené des recherches documentaires approfondies et organisé des entretiens avec 21 représentants de la Commission qui connaissent bien ces possibilités et programmes de financement. Ils ont fourni des informations précieuses qui ont servi de base à la création de notre base de données. Avec cela, nous avons pu mieux comprendre les caractéristiques de chaque programme de financement, leur nature, leurs besoins, etc.
Après cela, un prototype a été créé. Nous avons organisé un atelier pour tester l’outil et voir s’il répondait aux besoins des acteurs culturels sur le terrain et ce qui devait être amélioré. Donc oui, les opinions des acteurs culturels étaient de la plus haute importance, et ont été pris en compte du mieux que nous pouvions. C’était toute l’idée de ce projet - leurs besoins sont la raison pour laquelle nous avons développé cet outil !
CulturEU s’adresse aux secteurs culturels et créatifs ; pour autant il n’y a pas que les opportunités de financement d’Europe créative qui y sont répertoriés. Quels sont les programmes qui y sont référencés ?
Comme je l’ai mentionné, l’objectif est d’aider les acteurs culturels à se familiariser avec les financements de l’UE, en renforçant ainsi leur capacité à soumettre des propositions. Il était essentiel d’aller au-delà de l’Europe créative, étant donné qu’il existe de nombreux autres programmes de l’UE qui financent la culture et que les acteurs culturels sont rarement au courant. Je pense par exemple à : Horizon Europe, l’Europe numérique, le programme « Droits, citoyenneté et valeurs », les Fonds structurels et le nouvel instrument de soutien pour les pays tiers. Bon nombre de ces programmes sont inconnus des acteurs culturels et créatifs, bien qu’ils fournissent un financement important à leurs secteurs.
La plateforme est depuis peu disponible en français. Allez-vous couvrir toutes les langues représentées au sein des pays participants aux programmes de l’UE ? N’y aurait-il pas un intérêt de la traduire dans les langues de pays assez peu représentés au sein de ses programmes (Ukraine, Géorgie par exemple), pour encourager les porteurs de projets à s’impliquer dans les projets européens (alors que la France est un pays qui compte déjà de nombreux projets soutenus par des programmes européens) ?
L’outil est déjà disponible en français, allemand, italien, espagnol et bulgare. Cela couvre une grande partie des citoyens et des organisations européennes. Mais ce n’est bien sûr pas suffisant ! Au cours des prochains mois, le guide sera disponible dans toutes les autres langues de l’UE. Notre objectif principal est d’atteindre une diversité d’acteurs, non seulement en termes de géographie, mais aussi en termes de taille, etc. Nous voulons stimuler les candidatures d’organisations ou d’individus qui ne travaillent pas encore au niveau européen, mais qui réfléchissent à la façon de le faire. Ces acteurs ont rarement de grands départements financiers qui examinent tous les financements disponibles et adaptent les applications — et ici, CulturEU peut égaliser les règles du jeu en termes d’information.
CulturEU est également un outil évolutif. Une fois cette première version complètement stable et traduite, nous examinerons les moyens de le rendre encore plus adapté à la diversité des acteurs de terrain.
Le guide a-t-il vocation à répertorier également d’éventuelles opportunités de financements de fondations qui proposeraient également un soutien aux porteurs de projets culturels européens ?
Le guide de financement CulturEU ne contient que des programmes de l’UE. Toutefois, il y a une réponse à votre question, tout à fait légitime : c’est la plateforme « CreativesUnite », qui est une plateforme pour et par les secteurs de la culture et de la création, et qui a été mise en place avec l’aide de la Commission et du projet pilote du Parlement européen « FLIP (Finance, Learning, Innovation and Patenting for CCIs) ». CreativesUnite est gérée par le réseau européen des pôles créatifs. Cette plateforme offre un espace commun à tous les secteurs de la culture et de la création en Europe et au-delà, et leur permet de partager leurs initiatives. Elle a été très bien accueillie par les secteurs. La plate-forme dispose d’un bouton « Contribuer », à travers lequel des contributions directes peuvent être faites par les acteurs culturels ou les Fondations. CreativesUnite complète très bien « CulturEU ». Nous vous invitons tous à le visiter.
Au-delà d’un répertoire d’opportunités de financements disponibles, n’y a-t-il pas un enjeu pour aider les acteurs à constituer des dossiers ? Existence-t-il des outils (mis en place par la Commission européenne ou autre) pour cela, au-delà des Bureau Europe Créative de l’UE comme Relais Culture Europe ?
Vous avez raison, aucun outil ne remplacera jamais les personnes et les renseignements qu’une conversation peut donner. C’est pour cela que nous avons des « bureaux Europe créative » dans chacun des État-membres. Ce sont eux qui sont l’interface avec le public et les secteurs et qui peuvent les aider à façonner leurs applications. D’autres programmes ont également de tels représentants, qui jouent cette fonction clé. En outre, dans de nombreux pays, les administrations locales mettent en place des systèmes d’aide pour soutenir leurs secteurs culturels à préparer des projets.