Entretien #09 Fanny Bouquerel
Coopérations culturelles, fond structurels... Mise au point sur les opportunités et dispositifs de financement européens.
Fanny Bouquerel travaille en tant qu’indépendante sur différentes missions en Europe et en Méditerranée en lien avec l'action culturelle européenne ; le développement
professionnel des opérateur·ices du secteur culturel ; la mobilité et la coopération internationale. En parallèle, elle enseigne à l'Institut d'études européennes de l’Université
Paris 8.
Lacets : Les appels à projets “coopération” d’Europe créative ont beaucoup occupé les porteurs et porteuses de projets ces derniers mois, les réponses de la part de l’Union européenne devrait d’ailleurs arriver bientôt. Au-delà de ce dispositif, quelles sont les autres opportunités existantes dans le cadre d’Europe créative (plateformes, réseaux notamment) ?
Fanny Bouquerel : Comme vous le mentionnez, le programme Europe Créative comprend plusieurs volets : au-delà du principal volet qui concerne les projets de coopération à différentes échelles, il y a aussi des appels qui permettent de financer des réseaux culturels européens, et des initiatives qualifiées de « plateformes ». Les premiers concernent des organisations qui se sont développées ces trente dernières années en Europe, dont l’un des objectifs principaux est de faciliter les échanges entre structures réunies autour d’un intérêt commun.
Les « plateformes » sont des projets portés par un ensemble de structures européennes qui promeuvent les artistes émergent·es et facilitent leur insertion professionnelle. Europe créative permet également de financer des projets de traduction, et même les capitales européennes de la culture. Enfin, un tout nouveau dispositif, Culture Moves Europe, sera lancé cet automne pour soutenir la mobilité des artistes et professionnel·les de la culture en Europe, sur la base de candidatures individuelles.
Pourriez-vous également nous parler des fonds structurels, qui peuvent eux aussi
représenter des opportunités pour les acteurs et actrices culturels ?
Les fonds structurels représentent, de loin, la plus grande opportunité en termes de
financements européens pour des projets culturels. Gérés au niveau des régions, ils ont
l’objectif de promouvoir un développement « harmonieux » sur l’ensemble du
territoire européen, avec un accent sur les régions défavorisées. Ils permettent de
financer des projets extrêmement divers, qui incluent la réalisation d’infrastructures
culturelles, la numérisation de collections de musées, la formation dans le domaine de
la culture, le développement de filières artistiques en milieu rural, la création
d’itinéraires de tourisme culturel, ou encore la promotion d’activités interculturelles
favorisant l’intégration de populations immigrées etc. Ces projets s’inscrivent en
général dans des priorités telles que le développement, le tourisme, l’urbanisme,
l’éducation, la cohésion sociale etc. Autrement dit, les fonds structurels financent la
culture suivant une approche transversale.
Qu’en est-il des fondations ? European Cultural Foundation par exemple sort
régulièrement des appels à projets pour les acteurs et actrices du milieu culturel…
La fondation européenne de la culture est une structure très intéressante qui finance de nombreux projets en lien étroit avec les besoins du secteur, permettant de tester de nouveaux formats, de nouvelles idées. Au-delà de cette fondation, il existe de très
nombreuses organisations qui publient des appels à projet sur des thèmes et pour des
bénéficiaires aux profils divers. Le site internet on-the-move est une source
d’information unique pour repérer ces offres multiples.
Aujourd’hui, quelles sont les attentes de l’Union européenne envers le milieu de l’art et la culture dans cette période difficile, prise entre l’après pandémie et la guerre en Ukraine ?
Pour être honnête, je ne suis pas sûre que l’Union européenne nourrisse beaucoup
d’attentes spécifiques envers le secteur culturel. Elle a malgré tout pris conscience de
la dureté avec laquelle la pandémie a frappé ce secteur, et augmenté le budget du
programme Europe créative par exemple. Elle s’intéresse également à des sujets
sensibles tels que le statut des artistes, etc.. Cela dit, l’Europe attend du milieu de l’art
et de la culture, comme des autres secteurs, qu’il contribue à répondre à ses priorités
générales, telles que les questions environnementales, le numérique, la place de
l’Europe dans le monde ou encore la démocratie européenne – ce qui a motivé
notamment les actions de solidarité envers l’Ukraine.
Quels conseils donneriez-vous à des porteurs ou porteuses de projets qui
envisageraient de s’aventurer dans un projet européen ?
D’être curieux et de suivre de près l’actualité et les priorités européennes. Il est
important d’avoir à l’esprit que les financements sont attribués uniquement dans le
cadre de programmes européens qui poursuivent chacun des objectifs précis. La
première étape consiste alors à identifier le ou les programmes pertinents qui
permettront aux porteurs de projets de pouvoir financer leur projet, sans se limiter au
programme Europe Créative. Il s’agit ensuite de montrer que son projet réponde bien
aux objectifs du programme en question. Par ailleurs, il est fondamental de repérer des partenaires potentiels, et pour cela rien ne remplace les rencontres entre personnes impliquées directement dans les projets.
Quelles sont vos sources d’information (lectures, newsletter, comptes à suivre...) dès
lors qu’il s’agit d’être tenue au courant de l’actualité des dispositifs européens existant pour le secteur culturel ?
De manière générale, les newsletters des réseaux culturels européens sont très utiles :
Culture Action Europe, ENCATC, IETM, NEMO, On the Move... Les réseaux offrent
de plus l’intérêt de partager leur point de vue critique sur ces dispositifs, et/ou
d’illustrer de manière concrète ce qu’il est possible (ou non) de réaliser dans leur
cadre.