Lacets #04 - Europe créative, une augmentation en trompe-l’œil ?
Le nouveau budget d'Europe créative analysé par le journaliste Antoine Pecqueur, les actus du mois et la compétence culturelle européenne
Lacets est une newsletter qui donne la parole aux acteurs et actrices du milieu culturel qui s’engagent dans des projets européens. À travers ressources, entretiens et recommandations, Mathilde & Laurent souhaitent encourager des structures culturelles de toute taille à s’aventurer vers cet horizon, en rendant plus accessible les opportunités offertes par les financements européens.
Dans cette quatrième Newsletter : le nouveau programme Europe créative vu par Antoine Pecqueur, journaliste et musicien ; le décryptage de la compétence culturelle européenne et son principe de subsidiarité ; des actus sur les politiques culturelles en Europe et un zoom sur SHAPE.
Des remarques, idées, suggestions, retours, critiques ? Écrivez-nous à lacets@gmx.fr
Wassup l’Europe de la culture ?
⚖️ Ouverture des candidatures pour Keychange, un programme de développement des talents musicaux qui tente de diversifier le secteur.
👯♂️ Et hop, un appel à projet pour la circulation transfrontalière européenne et la distribution numérique des œuvres des arts du spectacle.
⛱ Liveurope a sorti sa playlist de l’été !
🛸 Une table-ronde sur la place des médias dans les appels à projets Europe créative
🍦 Le passé et l’avenir : la European Cultural Foundation a sorti son rapport annuel 2020
L’éclairage : Antoine Pecqueur
Pourquoi t'es-tu intéressé aux questions culturelles européennes dans ton métier de journaliste, sujet par ailleurs peu couvert dans le champ médiatique français ?
J'ai fait un article il y a quelques années pour la Revue du Crieur qui est éditée par Mediapart et les éditions La découverte sur la politique culturelle européenne, et c’est là que je me suis dit qu’il y avait vraiment beaucoup de choses à dire sur le sujet.
On entre dans un nouveau cycle pour le programme Europe créative sur la période 2021-2027, avec de nouveaux appels à projets et de nouvelles lignes directrices. Quels enseignements as-tu pu en tirer ? Qu’est-ce qui évolue selon toi ?
Déjà je pense qu’il faut se méfier de l’annonce de l’augmentation du budget qu’on entend un peu partout (qui serait de plus de 50%, ndlr). On s’en réjouit beaucoup, mais si on regarde dans le détail, il faut relativiser ce chiffre, tout simplement parce qu’il y a eu par ailleurs un vaste plan de relance pour l’Europe, dans lequel la culture n’était pas très représentée . On pourrait presque dire que c'est un maquillage budgétaire que d’annoncer une telle augmentation...
Qu’est ce que les nouveaux programmes et leurs nouvelles priorités disent de la position de l’UE ?
L’Europe tente d’être incitative et c'est une bonne chose. Maintenant il va falloir être vigilant à ce que ce ne soit pas juste des belles annonces. Il faut être drastique. C'est-à-dire, pas d’aide d’Europe créative si les mecs font Paris-Berlin en avion par exemple. Tant qu'on ne sera pas coercitif là-dessus et que ça restera des déclarations d’intention, ça ne marchera pas.
Les petites structures et grosses institutions ne sont pas outillées de la même manière pour répondre à ces appels à projets, quelle est la différence d’accès et comment l’Union européenne essaie de remédier à cela ?
Le vrai problème des fonds européens aujourd’hui c’est la complexité des dossiers. Aujourd’hui, il y a une volonté de simplifier la charge administrative parce c’est presque indispensable d’embaucher quelqu’un spécifiquement pour gérer les projets européens à l’heure actuelle. Pour une petite structure c’est quasi impossible. Pour autant, il faut faire attention à la simplification car il y a un risque de corruption des acteurs culturels.
Dans le nouveau programme Europe créative, il y a des simplifications d’accès pour les petites structures, d’une part sur le taux plus élevé de co-financement de la part de l’Union européenne, ainsi qu’une avance de fond plus importante en début de projet. Cependant, d’un point de vue administratif, le travail de montage et de gestion de projets européens reste très lourd, est-ce que des simplifications sont à l’œuvre de ce côté-là ?
Je pense que l’UE n’est elle-même pas au fait de la complexité administrative. Le directeur de Relais Culture Europe, Pascal Brunet, disait que sur cet aspect particulier, le nouveau programme allait dans le bon sens mais que derrière l’intention, il fallait attendre la réalisation. C’est une intention très louable mais on attend de voir dès septembre si la simplification aura vraiment lieu.
De ton point de vue de journaliste et de ton travail au quotidien, quels sont les retours et les besoins des acteurs de terrain ?
De mon point de vue, si vraiment on veut penser une Europe culturelle, il faut repenser la compétence même de la culture au sein de l’UE. Tant que ce sera une compétence aussi faible que ce qu’elle est aujourd’hui, ce sera compliqué d’harmoniser une réelle politique culturelle. Même s’il y a des hausses -aussi relatives soient elles- de budget, il faut réfléchir plus en profondeur.
Lire l’entretien avec Antoine Pecqueur dans son intégralité.
Le décryptage
Dans chaque édition de Lacets, nous nous penchons sur un concept, un dispositif, une question, une notion, ou tout autre élément de la novlangue européenne qui mérite un décryptage. Aujourd’hui on se penche sur le principe de subsidiarité et la compétence culturelle européenne.
Avant 1992, la culture n’était pas reconnue comme une compétence officielle de l’Union européenne. Elle était seulement une notion transversale dans l’action communautaire. Ce sont les différentes façons de concevoir l'action culturelle des États membres qui rendent difficile sa mise en place au niveau européen : certains estiment que la culture est une affaire d’états souverains, d’autres tiennent à leur gestion de la culture décentralisée en région, et d’autres trouvent tout simplement que ce n’est pas aux pouvoirs publics d’investir dans la question culturelle.
C’est dans les années 1990 que les États membres avancent sur le sujet et trouvent un accord. En effet, C4EST le Traité de Maastricht QUI instaure une base légale à la culture et permet de l'officialiser. Depuis, l'action culturelle est soumise au principe de subsidiarité. C’est-à-dire qu’elle complète ce qui est déjà en place et ne remplace pas les politiques à l'œuvre. L'action culturelle européenne n'est pas une politique culturelle 'totale' mais bien une compétence d'appui aux États membres et aux autres politiques de la communauté.
Pour être mis en place, les programmes communautaires culturels nécessitent l’unanimité lors du vote qui acte le programme et le budget. Cela engendre de facto des négociations et des compromis et renforce le principe de subsidiarité des actions culturelles qui évoluent dans un environnement européen relevant d'autres priorités.
Le détour
Retrouvez ici lors de chaque édition de Lacets une recommandation d’un projet artistique et culturel européen. Cette semaine : SHAPE.
SHAPE est une plateforme soutenue par le programme Europe créative qui regroupe 16 festivals, partout en Europe. De CTM à Berlin en passant par Terraforma à Milan, Les Siestes Électroniques à Toulouse ou Unsound à Cracovie, ce projet vise à soutenir la scène musicale émergente européenne. Chaque année, chacun des festivals sélectionne 3 artistes afin de les présenter dans une liste commune partagée de 48 artistes. Les personnes en charge de la direction artistique de chaque festival peut ensuite choisir dans cette sélection afin de nourrir et enrichir sa programmation. Une façon de partager des influences et de découvrir des artistes du continent.
Merci !
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